Le peuple tunisien est profondément déçu par la traduction dans les faits des «objectifs de la révolution», qu’ont effectuée les deux ex-grands partis qui ont dirigé le pays durant les cinq dernières années. Et il attend, à de multiples niveaux, des correctifs majeurs.
Le scrutin d’aujourd’hui en donne l’occasion propice, malgré une offre de service qui n’a pas vraiment démontré son adéquation ni par l’un ni par l’autre des deux candidats du second tour qui se sont affrontés en direct vendredi à la télé.
Car s’il est clair que les deux concurrents optent pour la réforme, celle-ci est déclinée sous l’angle de deux visions qui auraient pu être complémentaires mais qui versent dans le soliloque.
Kaïs Saïed propose d’inclure une forte dose de «démocratie directe» selon un modèle de comités populaires locaux puis régionaux dont les délégués constitueraient une assemblée nationale «révocable à tout moment» par la volonté des bases populaires. Une vieille idée révolutionnaire jamais réalisée mais qui permettrait, selon lui, de faire grimper au sommet de la pyramide les attentes populaires, y compris en matière de lutte contre la corruption.
Sachant qu’au niveau économique et social, il inviterait «les jeunes» à proposer librement leurs réformes et à concrétiser leurs propres projets. Ce alors que l’Etat sera appelé à renforcer ses apports en matière d’investissements sociaux et d’équipement.
Nabil Karoui, lui, ne compte pas toucher à la Constitution qu’il décrit comme l’une des meilleures au monde, rejoignant en cela l’avis d’Ennahdha et de Mustapha Ben Jaâfar. Mais il fera tout pour que les textes en attente à l’Assemblée soient adoptés en urgence et que la Cour constitutionnelle soit mise immédiatement en place. Grâce aussi à un appui de la part de l’important groupe parlementaire de son parti, Au cœur de la Tunisie. Au plan socioéconomique, il privilégiera un projet qui lui tient spécialement à cœur : dès son investiture, il réunira les partis et les organisations pour mettre en place un «grand projet de lutte contre la pauvreté». De même qu’il ira s’installer à Gafsa, à la CPG, jusqu’à la résolution de la crise du phosphate.
Bref, l’un de ces deux néophytes de la politique sera désigné ce soir président de la République. Un président manquant de prérogatives mais que le défunt Béji Caïd Essebsi a su élever au rang de recours et de référence pour tous.